Archives de catégorie : Développement durable

Grands ensembles, splendeurs et misères

grands_ensembles_1 Les photos de ces constructions ont d’abord servi une certaine idée du progrès avant d’être utilisées pour dénoncer ses conséquences

L’histoire des « grands ensembles » est celle d’une grandeur puis d’une décadence. C’est ce que souligne la série « Souvenir d’un futur », du photographe Laurent Kronental, qui a remporté la Bourse du talent 2015, catégorie « Paysages ». Depuis le développement de ces projets urbanistiques, pendant les « trente glorieuses », l’image a servi les différents discours véhiculés par les institutions, les urbanistes, les médias ou les artistes, entre promotion, dénonciation et patrimonialisation.

Lorsque la seconde guerre mondiale touche à sa fin, la France doit se reconstruire pour reloger des centaines de milliers de personnes. Elle met alors en place une politique urbanistique monumentale, présentée comme un idéal moderniste. Dès 1945 naît une politique visuelle spécifique, pour laquelle sont créés des services photographiques et cinématographiques, sous l’égide du ministère de la reconstruction et de l’urbanisme, afin d’illustrer le discours de l’Etat. Distribuées gratuitement aux médias, ces images valorisent une action publique visionnaire, pensée pour l’homme. « L’idée est aussi de reconstruire la France d’un point de vue social et économique. Sur ces photographies, les grands ensembles semblent être les emblèmes de l’avenir du pays », explique Raphaële Bertho, enseignante en histoire de la photographie à l’IUT de Tours et auteure du blog « Territoire des images ». Pour insister sur la notion de progrès, le ministère a recours d’une part à la photographie aérienne, qui apporte une image lisible du territoire et met en valeur l’exceptionnelle grandeur de ces aménagements, d’autre part à des vues à hauteur d’homme qui insistent, elles, sur l’aspect social de ces projets.

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Déshumanisation

Mais la vie dans ces lieux est loin d’être idyllique. Quinze ans après le début des premiers chantiers, les commerces manquent, les bâtiments se dégradent et certains projets ont pris du retard. Dans les années 1960, le discours s’inverse : le rêve moderniste s’est évaporé. Au coeur de la critique, l’isolement géographique et la déshumanisation de ces « cités rêvées ». Les mêmes images utilisées auparavant pour promouvoir ces projets urbains deviennent désormais les instruments d’un discours de dénonciation d’un Etat technocratique et le symbole du mal-vivre des grands ensembles. « L’image ne porte pas en elle-même le discours, elle s’inscrit dans un discours », résume l’historienne.

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En 1973, la circulaire Guichard marque l’arrêt de ces constructions architecturales. « C’est la première fois que l’expression «grands ensembles» est utilisée par l’Etat, et elle l’est pour annoncer officiellement la fin de cette politique », rappelle Raphaële Bertho. En 1986, la barre Debussy, à la cité des 4 000 (La Courneuve, Seine-Saint-Denis), est la première à être démolie. D’autres suivront. Chaque opération de dynamitage est décrite comme un « moment de violence qui, en une fraction de seconde, raye de la carte cinquante ans d’histoire urbaine » par le photographe Mathieu Pernot.

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Dans son livre Le Grand Ensemble (Point du jour, 2007), celui-ci a mélangé des reproductions de cartes postales de ces grands ensembles de l’après-guerre, ses propres images d’immeubles qui implosent et des agrandissements des personnages qui se trouvent sur les cartes postales, qu’il considère comme des « témoins ». « Je voulais parler de l’histoire de ces grands ensembles, mais aussi de la question de l’image et de la manière dont la représentation participe de l’imaginaire de ce milieu. Mon but n’est pas de tirer des conclusions, mais d’effectuer un constat : si une chose implose, c’est qu’elle n’a pas fonctionné pour des raisons économiques, sociales, culturelles ou peut-être architecturales. Toujours est-il que, quand on détruit quelque chose, c’est qu’on ne veut plus la voir. »

Depuis, le regard a changé, et l’image sert maintenant un but de patrimonialisation. Les grands ensembles font désormais partie d’un héritage architectural à préserver, au moins partiellement. « L’inventaire général du patrimoine, piloté par le ministère de la culture, lance par exemple une campagne photographique qui contribue à constituer cette mémoire », constate Raphaële Bertho. Le travail de Laurent Kronental s’inscrit également dans cette démarche mémorielle. Le photographe opère une synthèse d’histoire sociale et architecturale en mettant littéralement face à face l’histoire de ces lieux et leur délaissement. « Ce sont des quartiers qu’on a construits sans se demander comment ils allaient être cinquante ans plus tard, explique-t-il. C’est donc le souvenir d’un futur, celui de cette architecture des «trente glorieuses», un futur démodé qu’on a abandonné. »

Le photographe a aussi « voulu mettre en avant les personnes âgées, cette vieillesse qui emportera avec elle les souvenirs de ces lieux ». Tout le temps qu’a duré l’expérience des grands ensembles, les institutions, les urbanistes et les médias se sont servis de l’image pour véhiculer leurs discours. Mais la voix des habitants a souvent été oubliée. C’est cette voix que certains artistes, comme Laurent Kronental, tentent aujourd’hui de restituer.

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Fanny Arlandis, Le Monde du 06/02/2016

Vive la production artisanale !

L’exportation de produits bas de gamme subventionnés ne rapporte plus rien. Seule la production de denrées à haute valeur sanitaire, gustative et environnementale pourrait être rentable pour les agriculteurs et bénéfique pour les consommateurs

L’agriculture française est en crise et nos agriculteurs, mal rémunérés par la vente de leurs produits, sont en plein désarroi. Cette situation n’est pas vraiment nouvelle ; mais à force d’égrener des subventions ici où là, nos gouvernements étaient parvenus jusqu’à présent à étouffer tant bien que mal leur colère. Sans malheureusement s’attaquer aux problèmes structurels de notre agriculture ni parvenir à enrayer la disparition d’un très grand nombre d’exploitations agricoles.

Il ne faut pas se voiler la face : la France des multiples petits terroirs ne peut plus être compétitive sur les marchés internationaux en tentant d’exporter des denrées standards produites à grande échelle. Les poulets bas de gamme nourris avec du maïs et du soja brésiliens ne peuvent guère être vendus plus cher que des poulets brésiliens ; l’éthanol issu de nos betteraves cultivées sous les nuages ne peut rivaliser avec celui des cannes à sucre produites dans d’immenses exploitations sous le soleil brésilien ; la poudre de lait bretonne ne peut guère être exportée à un coût moindre que celle fournie par les « fermes des 1 000 vaches » déjà existantes en Allemagne et en République tchèque. Et nos blés à 90 quintaux à l’hectare, coûteux en engrais de synthèse et produits pesticides, sont menacés par la concurrence des blés à 30 quintaux produits dans les immenses domaines roumains et ukrainiens.

A cela s’ajoute le fait que la France et l’Union européenne sont désormais déficitaires pour plus des deux tiers en protéines végétales pour l’alimentation humaine et animale : les haricots de nos cassoulets sont très largement importés d’Argentine et nos animaux sont gavés de soja ou tourteaux de soja transgéniques en provenance des Etats-Unis et d’Amérique du Sud !

Coûts de dépollution élevés

Seuls parviennent désormais à rémunérer correctement nos agriculteurs les produits bio, labellisés ou d’appellation d’origine protégée. Notre excédent de la balance commerciale agricole provient déjà pour les deux tiers de produits de terroir à haute valeur ajoutée : vins, spiritueux, fromages d’exception, etc. L’exportation à vil prix de produits bas de gamme subventionnés, quant à elle, ne rapporte vraiment plus grand-chose.

Beaucoup d’agriculteurs considèrent cependant qu’il leur faut poursuivre avec les formes actuelles d’agriculture industrielle, de façon à pouvoir nourrir à moindre coût une population croissante, quitte à considérer les problèmes environnementaux et sanitaires engendrés par celles-ci comme étant relativement secondaires. Il leur a été répété maintes fois que pour rester compétitifs sur les marchés mondiaux, il leur faudrait toujours davantage mécaniser, motoriser et spécialiser leurs systèmes de culture et d’élevage, de façon à produire à grande échelle les denrées standards exigées par les agro-industries et la grande distribution.

Mais on sait que ces produits vendus à bas prix nous reviennent en fait très cher, du fait des coûts de la dépollution pour l’eau potable, des impôts à payer pour retirer les algues vertes du littoral, des maladies provoquées par les pesticides, de l’abaissement des nappes phréatiques, de la surmortalité des abeilles, etc.

Et nos productions exportées à vil prix vers ceux des pays du Sud qui sont déficitaires en nourriture contribuent à ruiner définitivement les paysanneries de ces pays qui travaillent encore pour la plupart avec des outils manuels. Ne pouvant plus rester dans la course, elles ne parviennent donc pas à équiper leurs fermes en vue de produire davantage et sont condamnées à partir en masse vers les bidonvilles ou tenter l’aventure des migrations clandestines.

Ce sont pour une très large part les distorsions de prix et de rémunération introduites par les subventions de la politique agricole commune (PAC) qui ont été à l’origine de nos errements.

Mais pourquoi ne réorienterons-nous pas celle-ci pour que les paysans, quand ils travaillent pour leur intérêt privé, soient incités à mettre en oeuvre les systèmes de culture et d’élevage les plus conformes à l’intérêt général ? A l’heure où nos médecins s’inquiètent des effets de la présence de résidus pesticides dans notre alimentation et notre eau de boisson, ne conviendrait-il pas de promouvoir la production de denrées à haute valeur sanitaire, gustative et environnementale ?

Fertilisation biologique

Quitte à taxer l’emploi des produits pesticides et celui des engrais azotés de synthèse, coûteux en énergie fossile et très émetteurs en gaz à effet de serre (protoxyde d’azote). Quitte aussi à rémunérer les agriculteurs pour leurs éventuels services environnementaux : séquestration du carbone dans la biomasse végétale et l’humus des sols, réintégration de légumineuses (luzerne, trèfle, pois, féveroles, haricot, etc.) dans nos assolements en substitution du soja importé ; recours à la fertilisation biologique de nos plantes en utilisant des champignons mycorhiziens ou à des bactéries fixatrices de l’azote de l’air, plantation de haies pour éviter les ruissellements et héberger les coccinelles prédatrices des pucerons ravageurs, etc.

Il nous faudrait promouvoir aujourd’hui une agriculture moins industrielle, c’est-à-dire plus artisanale, plus soignée, plus respectueuse de l’environnement mais aussi plus intensive en emplois. Il convient, pour ce faire, de réorienter au plus vite les aides de la PAC (actuellement concédées en proportion de la surface) afin que nos paysans, droits dans leurs bottes, puissent être correctement rémunérés, en échange de bons produits et de services d’intérêt général, et ne plus devoir sans cesse mendier des subventions sans grand effet sur les systèmes de production agricole.

Par Marc Dufumier, Le Monde du 09/02/2015

La fin du gaspillage alimentaire

Alors qu’au Bourget les négociateurs s’attelaient à une intense nuit de travail du mercredi 9 au jeudi 10 décembre pour parvenir à un accord sur le climat, les députés ont adopté au même moment, à l’unanimité, une série de mesures pour lutter contre le gaspillage alimentaire. La proposition de loi, présentée par le député de la Mayenne Guillaume Garot (PS) et ancien ministre délégué à l’agroalimentaire, et cosignée par plus de 300 députés de tous bords, a obtenu l’aval de l’ensemble de la gauche, de l’UDI et des Républicains.

Le texte reprend les dispositions destinées à empêcher les grandes surfaces de jeter de la nourriture et de rendre leurs invendus impropres à la consommation, qui avaient été introduites par les députés, également à l’unanimité, dans la loi sur la transition énergétique. Mais elles avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. La ministre de l’écologie, Ségolène Royal, et la grande distribution étaient parvenues fin août, non sans mal, à un accord sur une série « d’engagements volontaires » pour renforcer les actions de lutte « anti-gaspi ».

Interdiction de javelliser

Mais pour le rapporteur de la loi, Guillaume Garot, « la visée de la proposition de loi est beaucoup plus large ». Elle instaure une hiérarchie des actions à mettre en place par chaque acteur de la chaîne alimentaire pour éviter de jeter de la nourriture : prévention du gaspillage, puis don ou transformation pour la consommation humaine, valorisation pour l’alimentation animale ensuite, et enfin compost pour l’agriculture ou valorisation énergétique.

Aujourd’hui en France, rappelait le député dans un rapport remis en avril au gouvernement, entre 20 et 30 kg de nourriture par habitant sont jetés chaque année, et 140 kg sur l’ensemble de la chaîne, de la production à la consommation. Soit une perte évaluée entre 12 et 20 milliards d’euros par an.

Il est désormais interdit aux grandes et moyennes surfaces de plus de 400 m² de jeter de la nourriture invendue encore consommable. Dans l’année qui suit sa promulgation, la loi impose aux commerces de signer une convention avec une ou plusieurs associations « précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires leur sont cédées à titre gratuit ». Il est aussi interdit aux distributeurs de « délibérément rendre leurs invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation », par exemple en les javellisant, sous peine d’une amende de 3 750 euros avec « affichage ou diffusion de la décision ».

Troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre

Les industriels de l’agroalimentaire peuvent quant à eux désormais faire don des produits de marque de distributeurs refusés. Aujourd’hui, une palette de produits refusée, parce qu’elle arrive une heure en retard ou qu’un pack est mal étiqueté, doit obligatoirement être détruite alors même que la qualité sanitaire des produits n’est pas remise en cause. Chaque année, quelque 4 000 tonnes de produits laitiers sous marque de distributeur (ou « marque maison »), soit plus de 30 millions de tonnes de pots de yaourts, sont ainsi détruits.

La lutte contre le gaspillage alimentaire fera en outre désormais partie de l’éducation à l’alimentation durant le parcours scolaire. Et les entreprises pourront inscrire leurs actions de lutte contre le gaspillage dans leur rapport Responsabilité sociale et environnementale (RSE).

Avec ce texte qui permet de « bâtir un cadre légal contre le gaspillage », « la France deviendra le pays le plus volontariste d’Europe en ce domaine », s’est félicité Guillaume Garot devant les députés. Et de souligner, alors que la COP21 touche à sa fin, « qu’à l’échelle de la planète, le gaspillage alimentaire est l’équivalent du 3e émetteur mondial de gaz à effet de serre, après la Chine et les Etats-Unis ». La proposition de loi devrait être présentée au Sénat début 2016, en vue d’une adoption définitive.

Le Monde.fr du 10.12.2015

Sunroof, Google se met à l’énergie solaire

Après les Google Glass, la Google Car ou encore le projet Ara, Google prouve une nouvelle fois qu’il est sur tous les fronts. L’entreprise américaine a dévoilé lundi le projet Sunroof, un outil qui permet de calculer le potentiel d’énergie solaire de son logement.

Le projet a été développé par un certain Carl Elkin, un employé de la firme californienne installé à Boston, révèle le site de Wired. D’habitude, Elkin travaille sur le moteur de recherche de Google ; mais l’entreprise permet à ses employés de consacrer 20 % de leur temps de travail à réfléchir à des projets personnels.

Carl Elkin, dont le logement était déjà équipé de panneaux solaires, a donc décidé de chercher le meilleur moyen de promouvoir l’énergie solaire en Californie. « Tout le monde veut passer à l’énergie solaire, mais la plupart des gens ne comprennent pas à quel point c’est bon marché, explique-t-il. Je voulais leur faire comprendre que l’énergie solaire peut leur faire économiser de l’argent. »

Il s’est alors sérieusement penché sur la question, et c’est ainsi qu’est né le projet Sunroof. Le système est pour le moment testé à Boston et dans les régions de San Francisco et de Fresno, en Californie. A plus long terme, Google aimerait l’étendre aux Etats-Unis, puis au monde entier.

Une nouvelle manne financière

Sur son blog, l’ingénieur, qui explique être bénévole pour le programme Solarize Massachusetts, détaille le fonctionnement de Sunroof. Grâce aux images en haute définition utilisées par Google Earth, le logiciel détermine si un toit est suffisamment bien exposé pour accueillir des panneaux solaires.

Comme l’explique Wired, la technologie utilisée pour distinguer, sur les images 3D obtenues, le toit des maisons des arbres et des ombres environnantes est la même que celle utilisée par Facebook pour la reconnaissance faciale sur les photographies. A cela s’ajoute un calcul fondé sur les relevés météorologiques annuels qui permet d’estimer l’impact du solaire sur la maison et même de calculer les économies réalisées en cas de passage à cette énergie.

Google se contente-t-il pour autant de faire gracieusement l’apologie de l’énergie solaire – qu’il utilise par ailleurs pour alimenter ses centres de données ? Pas si simple. Le géant américain n’a pas oublié ses intérêts dans cette affaire, puisqu’il entend jouer les intermédiaires entre les fournisseurs de panneaux solaires et leurs clients, empochant une commission sur tout matériel vendu. « On veut aider les gens à comprendre le potentiel de l’énergie solaire, reconnaît Joel Conkling, qui s’occupe des énergies renouvelables chez Google. Mais on peut également gagner de l’argent avec ça. »