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Atelier d’écriture (musée de Martainville)

Suite à une visite du musée des traditions et des arts normands du château de Martainville, les élèves de 2nde 7 ont participé à un concours d’écriture.

Ils devaient, à la manière des courts récits de Maupassant et Flaubert lus en classe, inventer à leur tour une nouvelle réaliste, en exploitant les informations collectées lors de leur parcours de visite sur le mode de vie des paysans au XIXème siècle, dans les pays de Caux et de Bray. 

Voici le texte écrit par Hugo Ferreira qui a été retenu par les élèves : celui-ci s’inspire librement du conte « Un Cœur Simple » de Flaubert. Les photos qui illustrent le récit ont été prises au château lors d’une séance de reconstitution en costume d’époque.

Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Martainville envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité. Celle-ci travaillait de l’aube au crépuscule, sans jamais s’accorder la moindre pause, et était l’une de ces rares domestiques qui veillait outre son travail quotidien au bien-être de sa maîtresse. La famille Aubain possédait une opulente ferme, si vaste qu’elle englobait le hameau d’Orgebray tout entier.

Madame Aubain ne trahissait pour rien au monde ses habitudes. Elle avait coutume de rendre visite aux châtelains du village tous les dimanches après la messe. Elle discutait et riait sur des sujets plus insignifiants les uns que les autres. De son côté, Félicité tentait pendant ce temps d’enrôler quelques journaliers dans la cour du château car la ferme d’Orgebray manquait cruellement de main-d’œuvre.

Charmés par sa beauté, les paysans acceptaient l’offre d’emploi même pour une modique paie, laissant la servante croire qu’elle avait un véritable don pour convaincre.

Un dimanche, Félicité rencontra deux nouveaux visages qu’elle approcha dans l’écurie. Les deux hommes poussaient une imposante charrette destinée aux récoltes. Elle les interpella et les interrogea sur leur village d’origine. Ils lui répondirent qu’ils étaient originaires de Bois-l’Évêque. Le travail venant à manquer dans ce petit village d’à peine deux cent cinquante âmes, ils durent se résoudre à proposer leurs services ailleurs, changeant à l’occasion tous les jours d’exploitation agricole.

Comme à son habitude, Félicité leur proposa de venir travailler chez sa maîtresse pour une paie de dix francs par jour. Pierre, le plus âgé et bourru des deux hommes, déclina sèchement la proposition et s’en alla porter la charrette devant l’entrée principale en grommelant. Ignace, quant à lui, se fit plus chaleureux et s’empressa d’accepter, envoûté par l’imposante poitrine et les joues rosies de la domestique. Félicité, heureuse d’avoir accompli sa mission dominicale, salua avec gratitude Ignace et s’apprêtait à rejoindre Madame Aubin quand le journalier la reteint en posant soudainement sa rude et froide main sur son épaule. Elle se retourna et le paysan conscient de la brusquerie de son geste lui demanda sur un ton aimable : « La p’tite dame serait-elle intéressée par une visite du domaine ? ». Surprise par cette demande inattendue, Félicité hocha la tête et s’exclama : « Oui ! Je le suis ! ». Ignace l’amena dans les jardins du château et lui montra des espèces de fleurs rares.

Il ne pouvait s’empêcher de les comparer au doux visage de Félicité. C’était la première fois qu’un homme se montrait affectueux envers elle. Elle avait encore à l’esprit l’amer souvenir de son père, un modeste maçon, pochard et brutal, qui la battait si violemment, que son corps portait encore aujourd’hui les stigmates de ses gestes. Émue aux larmes, la servante le serra alors longuement contre sa poitrine. Cet instant de bonheur, le tout premier de Félicité, prit fin lorsque la voix de Madame Aubin s’éleva au loin.

Elle fit promesse à Ignace de le rejoindre cette nuit. La voyant s’éloigner, le journalier se remémorait alors avec délice l’accolade et frappa soudainement le sol, mécontent de ne pas avoir eu l’audace de l’embrasser.

Le visage de Félicité hantait l’esprit du jeune garçon. Assise sur le coffre à sel de la cuisine, la servante quant à elle ne pouvait le chasser de sa tête et elle passa de longues minutes à s’imaginer à ses côtés. Elle se ressaisit lorsqu’elle entendit le carillon de l’Église sonner sept fois. Traditionnellement, la famille Aubain soupait à dix-neuf heures. Félicité n’avait encore rien préparé. Elle mit la soupe à réchauffer dans le landier et se hâta d’aller chercher le service en faïence que Madame avait acheté à la manufacture de Forges-les-Eaux afin de dresser le couvert. Elle s’empressa de ranger le crémier, le moulin à grains et à sucre pour faire de la place sur la grande table en bois de chêne.

A l’heure du repas, un impressionnant cortège pénétra dans la pièce. La famille Aubain ouvrait ce défilé, suivie par le charretier et le vacher et enfin par les journaliers. Félicité se tenait debout et servait les convives un par un en fonction de leur ordre d’arrivée. Le souper s’acheva une heure plus tard. Les convives saluèrent la maîtresse de maison et ses enfants puis s’en allèrent retrouver leur modeste chaumière. Le temps paraissait interminable à la servante et les minutes lui semblaient s’égrener lentement. Elle resta un long moment dans l’arrière-cuisine afin de ne pas éveiller les soupçons et lorsqu’elle jugea que tout le monde s’était endormi, elle quitta la ferme pour rejoindre Ignace au château de Martainville.

Le journalier l’attendait près du pigeonnier. Il maintenait à ses pieds le fruit de sa dure journée de labeur. La jeune femme lui raconta quelques anecdotes de sa journée avant de le prendre de nouveau dans ses bras. Ignace lui proposa de se rendre au gîte afin de continuer cet entretien en toute discrétion, les rumeurs pouvant aller bon train dans le pays. Lorsqu’ils arrivèrent au logis, Félicité, submergée par les émotions, chercha à se rassurer en lui proposant ce qu’elle faisait le mieux. Machinalement, elle saisit la crémaillère à trois branches et s’attela à la préparation d’un potage. Ignace, alors installé sur le lit alcôve, s’approcha à pas de loup et l’enlaça violemment. Félicité s’esclaffa dans un premier temps, surprise par ce geste, avant de lui demander de la lâcher, gênée par sa brutalité. Mais, le paysan continuait, en la serrant encore plus fort. Paniquée, elle tenta de le blesser avec une bûche qu’elle prit soudainement dans le landier. Ignace esquiva le coup et retira violemment la coiffe de la servante. Félicité croyait revoir son père. Elle le somma d’arrêter mais rien n’arrêtait le goujat ; elle était maintenant prisonnière de ses bras. Il la força à avancer en direction du lit et brusquement il la contraignit à enlever sa jupe de laine.

Le lendemain matin, Ignace avait quitté le village, abandonnant Félicité, honteuse et recroquevillée au pied du lit. Personne ne s’aperçut de son absence ce soir-là de la demeure de Mme Aubain. Le soleil naissant chassait la brume sur Martainville et la vie reprit progressivement son cours sans que Félicité ne trahisse son lourd secret. Les saisons passèrent et bientôt son ventre s’arrondit. Elle prit toutes les précautions pour le dissimuler et parvenait à esquiver toutes les questions qui portaient sur son embonpoint. Mais, ne pouvant continuellement se cacher, sa maîtresse finit par comprendre la mascarade et prit conscience de l’horreur. Madame Aubain ne pouvait accepter pareille humiliation en sa demeure, elle l’astregnit à abandonner son enfant à sa naissance en le déposant à l’hospice des orphelins. Une servante n’avait pas à s’encombrer d’un enfant illégitime !

Martainville enterrait alors la mère que la jeune amoureuse naïve aurait aimé devenir pour la condamner définitivement à ce rôle de servante-modèle que jalouseraient encore toutes les bourgeoises du village.

Hugo Ferreira, élève de 2nde 7

Repères sur le réalisme

Le réalisme est un mouvement qui connaît son apogée au XIXème siècle. Il marque une rupture avec un autre courant littéraire et artistique – le romantisme – qui déformait la réalité en cherchant à l’embellir (les défauts et les vices n’étaient jamais représentés). Le réalisme, quant à lui, consiste à retranscrire le mieux possible la réalité dans des textes ou dans des œuvres d’art, le plus fidèlement possible, et avec un intérêt accru pour les sujets jusque-là écartés : les milieux sociaux (la paysannerie, le monde ouvrier, la bourgeoisie naissante), la misère, le vice, la marginalité… Pour les romantiques, ces thèmes n’étaient pas considérés comme dignes de faire l’objet d’une représentation artistique.

Ce tendance est étroitement liée aux mutations de la société du XIXème siècle : les auteurs comme les peintres « photographient » les conséquences sociales de la révolution industrielle, décrivent les mouvements ouvriers, et se font les témoins des progrès techniques et scientifiques qu’ils mettent en scène dans les nouvelles, les romans, et les tableaux.

Cette tendance n’est pas appréciée des critiques qui voient dans ce mouvement un goût pour le vulgaire et le laid.

Quelques auteurs parmi les plus représentatifs de ce courant :

  • Stendhal
  • Honoré de Balzac
  • Maupassant
  • Flaubert

L’œuvre artistique la plus emblématique du réalisme est sans doute celle de Gustave Courbet, « Un enterrement à Ornans », car elle provoquera un énorme scandale et suscitera de vives critiques. G. Courbet s’oppose aux enseignements académiques de l’école des Beaux Arts et refuse catégoriquement ses règles héritées du romantisme et du classicisme qui prônent une représentation de ce qui est « noble », ce qui est parfait, idéalisé (les sujets mythologiques, historiques, religieux). Il réagit ainsi à l’art de E. Delacroix : « M. Delacroix fait des anges. Je ne vois pas ce que c’est que des anges. Vous ? Moi je n’en ai jamais vu. Comment voulez-vous que je juge une forme qui représente un être imaginaire ? Ses ailes le rendent ridicule et difforme. Qu’on fasse des hommes, qu’on les fasse bien, là est le difficile ». Courbet ouvre ainsi la voie à une nouvelle conception de l’Art, évoquant la réalité sans idéalisation et en abordant des thématiques politiques ou sociales : peindre la vérité sans la déformer, même si elle est parfois dure à voir.

Sources

  • http://fr.wikipedia.org/ (le réalisme)
  • Google images
  • Livre de français 2nde, Collection « Passeurs de textes« , Édition Robert
  • http://www.musee-orsay.fr/ (exposition virtuelle)

Dossier documentaire réalisé par Gauthier Bloeme et Paul Landel (élèves de 2nde)

EAF 2014 – Sujets

Retrouvez ci-dessous les sujets de bac de la session 2014. Vous pouvez facilement vous entraîner aux questions de corpus de l’ensemble des séries, tenter de construire un plan de dissertation en vous aidant des textes étudiés en cours et des extraits dans votre manuel. Des propositions de corrigés sont disponibles sur internet.

downloadSérie L

downloadSéries ES / S

downloadSérie STMG / STI2D

La lettre de M. Homais

Travail d’écriture

En vous inspirant de la « réclame » élogieuse de M. Homais ci-dessous, imaginez un article qui ferait au contraire le blâme de l’intervention chirurgicale de M. Bovary. Vous emploierez un vocabulaire dépréciatif (ou péjoratif) pour qualifier le médecin tout en veillant à respecter un langage soutenu.


Ils étaient au lit lorsque M. Homais, malgré la cuisinière, entra tout à coup dans la chambre, en tenant à la main une feuille de papier fraîche écrite. C’était la réclame qu’il destinait au Fanal de Rouen. Il la leur apportait à lire.
– Lisez vous-même, dit Bovary.
Il lut :
Obj : 2.8/80, # 16, t 1/60 sec Graphit : Gén : 8.4  G : 7.4  D : 7.3« Malgré les préjugés qui recouvrent encore une partie de la face de l’Europe comme un réseau, la lumière cependant commence à pénétrer dans nos campagnes. C’est ainsi que, mardi, notre petite cité d’Yonville s’est vue le théâtre d’une expérience chirurgicale qui est en même temps un acte de haute philanthropie. M. Bovary, un de nos praticiens les plus distingués… […]
« M. Bovary, un de nos praticiens les plus distingués, a opéré d’un pied-bot le nommé Hippolyte Tautain, garçon d’écurie depuis vingt-cinq ans à l’hôtel du Lion d’or, tenu par madame veuve Lefrançois, sur la place d’Armes.
La nouveauté de la tentative et l’intérêt qui s’attachait au sujet avaient attiré un tel concours de population, qu’il y avait véritablement encombrement au seuil de l’établissement. L’opération, du reste, s’est pratiquée comme par enchantement, et à peine si quelques gouttes de sang sont venues sur la peau, comme pour dire que le tendon rebelle venait enfin de céder sous les efforts de l’art. Le malade, chose étrange (nous l’affirmons de visu) n’accusa point de douleur. Son état, jusqu’à présent, ne laisse rien à désirer. Tout porte à croire que la convalescence sera courte ; et qui sait même si, à la prochaine fête villageoise, nous ne verrons pas notre brave Hippolyte figurer dans des danses bachiques, au milieu d’un chœur de joyeux drilles, et ainsi prouver à tous les yeux, par sa verve et ses entrechats, sa complète guérison ? Honneur donc aux savants généreux ! Honneur à ces esprits infatigables qui consacrent leurs veilles à l’amélioration ou bien au soulagement de leur espèce ! Honneur ! Trois fois honneur ! »

Gustave Flaubert, Madame Bovary, Ile partie, chapitre 9.