La fin du gaspillage alimentaire

Alors qu’au Bourget les négociateurs s’attelaient à une intense nuit de travail du mercredi 9 au jeudi 10 décembre pour parvenir à un accord sur le climat, les députés ont adopté au même moment, à l’unanimité, une série de mesures pour lutter contre le gaspillage alimentaire. La proposition de loi, présentée par le député de la Mayenne Guillaume Garot (PS) et ancien ministre délégué à l’agroalimentaire, et cosignée par plus de 300 députés de tous bords, a obtenu l’aval de l’ensemble de la gauche, de l’UDI et des Républicains.

Le texte reprend les dispositions destinées à empêcher les grandes surfaces de jeter de la nourriture et de rendre leurs invendus impropres à la consommation, qui avaient été introduites par les députés, également à l’unanimité, dans la loi sur la transition énergétique. Mais elles avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. La ministre de l’écologie, Ségolène Royal, et la grande distribution étaient parvenues fin août, non sans mal, à un accord sur une série « d’engagements volontaires » pour renforcer les actions de lutte « anti-gaspi ».

Interdiction de javelliser

Mais pour le rapporteur de la loi, Guillaume Garot, « la visée de la proposition de loi est beaucoup plus large ». Elle instaure une hiérarchie des actions à mettre en place par chaque acteur de la chaîne alimentaire pour éviter de jeter de la nourriture : prévention du gaspillage, puis don ou transformation pour la consommation humaine, valorisation pour l’alimentation animale ensuite, et enfin compost pour l’agriculture ou valorisation énergétique.

Aujourd’hui en France, rappelait le député dans un rapport remis en avril au gouvernement, entre 20 et 30 kg de nourriture par habitant sont jetés chaque année, et 140 kg sur l’ensemble de la chaîne, de la production à la consommation. Soit une perte évaluée entre 12 et 20 milliards d’euros par an.

Il est désormais interdit aux grandes et moyennes surfaces de plus de 400 m² de jeter de la nourriture invendue encore consommable. Dans l’année qui suit sa promulgation, la loi impose aux commerces de signer une convention avec une ou plusieurs associations « précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires leur sont cédées à titre gratuit ». Il est aussi interdit aux distributeurs de « délibérément rendre leurs invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation », par exemple en les javellisant, sous peine d’une amende de 3 750 euros avec « affichage ou diffusion de la décision ».

Troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre

Les industriels de l’agroalimentaire peuvent quant à eux désormais faire don des produits de marque de distributeurs refusés. Aujourd’hui, une palette de produits refusée, parce qu’elle arrive une heure en retard ou qu’un pack est mal étiqueté, doit obligatoirement être détruite alors même que la qualité sanitaire des produits n’est pas remise en cause. Chaque année, quelque 4 000 tonnes de produits laitiers sous marque de distributeur (ou « marque maison »), soit plus de 30 millions de tonnes de pots de yaourts, sont ainsi détruits.

La lutte contre le gaspillage alimentaire fera en outre désormais partie de l’éducation à l’alimentation durant le parcours scolaire. Et les entreprises pourront inscrire leurs actions de lutte contre le gaspillage dans leur rapport Responsabilité sociale et environnementale (RSE).

Avec ce texte qui permet de « bâtir un cadre légal contre le gaspillage », « la France deviendra le pays le plus volontariste d’Europe en ce domaine », s’est félicité Guillaume Garot devant les députés. Et de souligner, alors que la COP21 touche à sa fin, « qu’à l’échelle de la planète, le gaspillage alimentaire est l’équivalent du 3e émetteur mondial de gaz à effet de serre, après la Chine et les Etats-Unis ». La proposition de loi devrait être présentée au Sénat début 2016, en vue d’une adoption définitive.

Le Monde.fr du 10.12.2015