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Publication : « Voyages aux frontières de la langue »

Voyages aux frontières de la langue est un ouvrage qui recueille un éventail de textes individuels et collectifs, poèmes et nouvelles, écrits par des élèves de collège et de lycée de l’académie de Rouen et les écoles internationales de Carthage et Tunis dans le cadre de résidences d’écriture.

Ce projet d’éducation artistique et culturel, initié par la délégation académique à l’action culturelle du rectorat de Rouen, a vu le jour grâce à la collaboration des ses partenaires : La Factorie – Maison de Poésie / Normandie, Val-de-Reuil, et le Festival Le Goût des autres, le Havre, organisé et soutenu par la ville du Havre, ainsi que l’institut français de Tunisie.

Les textes ont été écrits par les élèves grâce à huit demi-journées d’intervention des écrivains dans les classes et au travail des enseignants.

Quatre auteurs sont intervenus dans six établissements :

  • Les collèges Marcel Pagnol et Théophile Gautier du Havre ont travaillé avec l’écrivain tunisien Yamen Manai ;
  • Le collège Alphonse Allais et le lycée Marc Bloch de Val de Reuil ont écrit des poèmes avec David Dumortier – écrivain, poète et auteur jeunesse ;
  • Le collège La Hêtraie de la Feuillie et le lycée Delamare Deboutteville de Forges-les-Eaux ont écrit une nouvelle collective avec la romancière Lola Lafon ;
  • L’écrivain François Beaune est intervenu en Tunisie.

Et, parce que l’écriture se partage, ces auteurs ont associé leur plume à celle des plus jeunes en offrant un texte de leur main à ce livre que vous pourrez retrouver dans les librairies et les bibliothèques de Rouen, du Havre et de Val-de-Reuil.

Les élèves du lycée Delamare Deboutteville de Forges-les-Eaux ont également réalisé un film à partir de la rédaction de la nouvelle Une note d’amitié publiée dans l’ouvrage Voyages aux frontières de la langue et écrite avec Lola Lafon dans le cadre de sa résidence.

Article publié sur le site de la DAAC à l’occasion de la sortie du livre en juin 2019.

Sortie à la « Factorie »

Ateliers et rencontres autour de la sortie du livre Voyages aux frontières de la langue

Déroulé de la journée du vendredi 24 mai 2019 à la Factorie (Maison de Poésie de Normandie) et à la Maison de la Jeunesse et des Associations (autrement appelée Théâtre des Chalands).

Trois ateliers-rencontres d’une durée de 40 minutes étaient organisés à la Factorie dans la matinée :

  • Atelier 1 : Le métier d’écrivain avec Marie Nimier
  • Atelier 2 : les métiers du livre avec Saïd Mohamed, poète et professeur à l’école Estienne et Christophe Chomant, éditeur du livre Voyages aux frontières de la langue
  • Atelier 3 : « écrire ensemble », l’expérience des Générales, collectif d’autrices en résidence à la Factorie

Pendant ce temps des lectures étaient répétées par quelques élèves-lecteurs ainsi que les comédiens (Benoit Marchand et Diane Stolojan) et le musicien (François Virot) au Théâtre des Chalands pour préparer la lecture musicale d’extraits de l’ouvrage dans l’après-midi sous la direction de Patrick Verschueren. Puis remise des livres à l’ensemble des élèves par l’éditeur Christophe Chomant et la romancière Lola Lafon.

Court-métrage : « Une note d’amitié »

Film réalisé à l’occasion d’un atelier d’écriture animé par Lola Lafon en résidence au lycée avec les élèves de 2nde 4 (année scolaire 2018-2019).

Note d’intention

L’objectif de ce projet était de faire vivre le texte écrit par les élèves de manière originale et prolonger l’aventure menée avec Lola Lafon. Tous les élèves ayant participé au projet d’écriture sont dans le film narrateurs du récit, en voix-off ou à l’écran. Chaque plan est l’occasion d’une passation de parole d’un narrateur à l’autre. L’histoire se tisse de ces voix mêlées qui font écho au travail d’écriture collective. Les scènes tournées proposent une narration visuelle qui complète le récit lu. Certains plans sont simplement illustratifs, c’est le cas des scènes de harcèlement par exemple dans lesquelles des élèves incarnent le rôle de personnages de l’histoire pour mettre en scène la violence des relations pouvant opposer des adolescents. D’autres moments font indirectement écho à l’histoire racontée sans représenter explicitement l’action mais offrant un cadre la suggérant : ainsi les plans dans le parc renvoient à l’univers paisible hors du lycée qui réunit Nora et Benoît et qui est propice aux confessions. Ces plans de paysages plus descriptifs laissent la possibilité au spectateur se s’imaginer librement cette complicité entre eux. Les gros plans constituent des portraits qui alternent tout au long du film entre filles et garçons et qui nous interpellent directement par un regard frontal : ces scènes visent à donner une force supplémentaire à la confession. Enfin certaines séquences rappellent le projet mené en amont avec Lola Lafon par une mise en abyme du travail d’écriture.

Atelier d’écriture (musée de Martainville)

Suite à une visite du musée des traditions et des arts normands du château de Martainville, les élèves de 2nde 7 ont participé à un concours d’écriture.

Ils devaient, à la manière des courts récits de Maupassant et Flaubert lus en classe, inventer à leur tour une nouvelle réaliste, en exploitant les informations collectées lors de leur parcours de visite sur le mode de vie des paysans au XIXème siècle, dans les pays de Caux et de Bray. 

Voici le texte écrit par Hugo Ferreira qui a été retenu par les élèves : celui-ci s’inspire librement du conte « Un Cœur Simple » de Flaubert. Les photos qui illustrent le récit ont été prises au château lors d’une séance de reconstitution en costume d’époque.

Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Martainville envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité. Celle-ci travaillait de l’aube au crépuscule, sans jamais s’accorder la moindre pause, et était l’une de ces rares domestiques qui veillait outre son travail quotidien au bien-être de sa maîtresse. La famille Aubain possédait une opulente ferme, si vaste qu’elle englobait le hameau d’Orgebray tout entier.

Madame Aubain ne trahissait pour rien au monde ses habitudes. Elle avait coutume de rendre visite aux châtelains du village tous les dimanches après la messe. Elle discutait et riait sur des sujets plus insignifiants les uns que les autres. De son côté, Félicité tentait pendant ce temps d’enrôler quelques journaliers dans la cour du château car la ferme d’Orgebray manquait cruellement de main-d’œuvre.

Charmés par sa beauté, les paysans acceptaient l’offre d’emploi même pour une modique paie, laissant la servante croire qu’elle avait un véritable don pour convaincre.

Un dimanche, Félicité rencontra deux nouveaux visages qu’elle approcha dans l’écurie. Les deux hommes poussaient une imposante charrette destinée aux récoltes. Elle les interpella et les interrogea sur leur village d’origine. Ils lui répondirent qu’ils étaient originaires de Bois-l’Évêque. Le travail venant à manquer dans ce petit village d’à peine deux cent cinquante âmes, ils durent se résoudre à proposer leurs services ailleurs, changeant à l’occasion tous les jours d’exploitation agricole.

Comme à son habitude, Félicité leur proposa de venir travailler chez sa maîtresse pour une paie de dix francs par jour. Pierre, le plus âgé et bourru des deux hommes, déclina sèchement la proposition et s’en alla porter la charrette devant l’entrée principale en grommelant. Ignace, quant à lui, se fit plus chaleureux et s’empressa d’accepter, envoûté par l’imposante poitrine et les joues rosies de la domestique. Félicité, heureuse d’avoir accompli sa mission dominicale, salua avec gratitude Ignace et s’apprêtait à rejoindre Madame Aubin quand le journalier la reteint en posant soudainement sa rude et froide main sur son épaule. Elle se retourna et le paysan conscient de la brusquerie de son geste lui demanda sur un ton aimable : « La p’tite dame serait-elle intéressée par une visite du domaine ? ». Surprise par cette demande inattendue, Félicité hocha la tête et s’exclama : « Oui ! Je le suis ! ». Ignace l’amena dans les jardins du château et lui montra des espèces de fleurs rares.

Il ne pouvait s’empêcher de les comparer au doux visage de Félicité. C’était la première fois qu’un homme se montrait affectueux envers elle. Elle avait encore à l’esprit l’amer souvenir de son père, un modeste maçon, pochard et brutal, qui la battait si violemment, que son corps portait encore aujourd’hui les stigmates de ses gestes. Émue aux larmes, la servante le serra alors longuement contre sa poitrine. Cet instant de bonheur, le tout premier de Félicité, prit fin lorsque la voix de Madame Aubin s’éleva au loin.

Elle fit promesse à Ignace de le rejoindre cette nuit. La voyant s’éloigner, le journalier se remémorait alors avec délice l’accolade et frappa soudainement le sol, mécontent de ne pas avoir eu l’audace de l’embrasser.

Le visage de Félicité hantait l’esprit du jeune garçon. Assise sur le coffre à sel de la cuisine, la servante quant à elle ne pouvait le chasser de sa tête et elle passa de longues minutes à s’imaginer à ses côtés. Elle se ressaisit lorsqu’elle entendit le carillon de l’Église sonner sept fois. Traditionnellement, la famille Aubain soupait à dix-neuf heures. Félicité n’avait encore rien préparé. Elle mit la soupe à réchauffer dans le landier et se hâta d’aller chercher le service en faïence que Madame avait acheté à la manufacture de Forges-les-Eaux afin de dresser le couvert. Elle s’empressa de ranger le crémier, le moulin à grains et à sucre pour faire de la place sur la grande table en bois de chêne.

A l’heure du repas, un impressionnant cortège pénétra dans la pièce. La famille Aubain ouvrait ce défilé, suivie par le charretier et le vacher et enfin par les journaliers. Félicité se tenait debout et servait les convives un par un en fonction de leur ordre d’arrivée. Le souper s’acheva une heure plus tard. Les convives saluèrent la maîtresse de maison et ses enfants puis s’en allèrent retrouver leur modeste chaumière. Le temps paraissait interminable à la servante et les minutes lui semblaient s’égrener lentement. Elle resta un long moment dans l’arrière-cuisine afin de ne pas éveiller les soupçons et lorsqu’elle jugea que tout le monde s’était endormi, elle quitta la ferme pour rejoindre Ignace au château de Martainville.

Le journalier l’attendait près du pigeonnier. Il maintenait à ses pieds le fruit de sa dure journée de labeur. La jeune femme lui raconta quelques anecdotes de sa journée avant de le prendre de nouveau dans ses bras. Ignace lui proposa de se rendre au gîte afin de continuer cet entretien en toute discrétion, les rumeurs pouvant aller bon train dans le pays. Lorsqu’ils arrivèrent au logis, Félicité, submergée par les émotions, chercha à se rassurer en lui proposant ce qu’elle faisait le mieux. Machinalement, elle saisit la crémaillère à trois branches et s’attela à la préparation d’un potage. Ignace, alors installé sur le lit alcôve, s’approcha à pas de loup et l’enlaça violemment. Félicité s’esclaffa dans un premier temps, surprise par ce geste, avant de lui demander de la lâcher, gênée par sa brutalité. Mais, le paysan continuait, en la serrant encore plus fort. Paniquée, elle tenta de le blesser avec une bûche qu’elle prit soudainement dans le landier. Ignace esquiva le coup et retira violemment la coiffe de la servante. Félicité croyait revoir son père. Elle le somma d’arrêter mais rien n’arrêtait le goujat ; elle était maintenant prisonnière de ses bras. Il la força à avancer en direction du lit et brusquement il la contraignit à enlever sa jupe de laine.

Le lendemain matin, Ignace avait quitté le village, abandonnant Félicité, honteuse et recroquevillée au pied du lit. Personne ne s’aperçut de son absence ce soir-là de la demeure de Mme Aubain. Le soleil naissant chassait la brume sur Martainville et la vie reprit progressivement son cours sans que Félicité ne trahisse son lourd secret. Les saisons passèrent et bientôt son ventre s’arrondit. Elle prit toutes les précautions pour le dissimuler et parvenait à esquiver toutes les questions qui portaient sur son embonpoint. Mais, ne pouvant continuellement se cacher, sa maîtresse finit par comprendre la mascarade et prit conscience de l’horreur. Madame Aubain ne pouvait accepter pareille humiliation en sa demeure, elle l’astregnit à abandonner son enfant à sa naissance en le déposant à l’hospice des orphelins. Une servante n’avait pas à s’encombrer d’un enfant illégitime !

Martainville enterrait alors la mère que la jeune amoureuse naïve aurait aimé devenir pour la condamner définitivement à ce rôle de servante-modèle que jalouseraient encore toutes les bourgeoises du village.

Hugo Ferreira, élève de 2nde 7