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Corpus : la découverte de l’Autre

Quelques pistes pour croiser les textes du corpus « La découverte de l’Autre ».

Ces trois textes apportent une vision des terres nouvellement découvertes par les Européens et nous nous demanderons quel regard ces auteurs portent sur elles et sur l’Autre.

Jean de Léry, Histoire d’un voyage fait en terre de Brésil
  • 1578 : fin de la Renaissance / Mouvement de l’Humanisme
  • Type d’argumentation : un dialogue entre le locuteur et un indigène du Brésil, le vieillard. Mise en scène de la rencontre, puis commentaire au dernier paragraphe. Jean de Léry rapporte l’échange avec le vieillard ; il rapporte aussi les propos de ce dernier. Et dans le dernier paragraphe, il s’adresse au lecteur, en l’impliquant dans son discours en même temps que lui : « que nous estimons barbare ».
  • Le thème développé est celui des mœurs des Européens : cf. leur appât du gain.
  • La perception est méliorative sur le vieillard indigène : « nullement lourdaud » (litote) et péjorative pour les Européens : « vous êtes de grands fols ». La litote est une formule d’atténuation feinte qui souligne implicitement la force du discours : dire qu’il n’était « nullement lourdaud » revient à dire qu’il était très sage. L’auteur répond ici à un préjugé sur le sauvage véhiculé par la culture européenne.
  • D’où une inversion du regard : ce n’est pas Jean de Léry qui regarde les indigènes, mais l’Indigène qui regarde les Européens. Cette inversion permet une satire virulente des mœurs européennes : « ne font que sucer le sang et la moelle des autres ».
Montaigne, Essais, « Des Cannibales »
  • 1578 : fin de la Renaissance / Humanisme
  • Argumentation directe. C’est un extrait d’un essai : affirmation de sa subjectivité par l’auteur : « je trouve, pour revenir à mon propos », formulation d’une opinion. Ce
    n’est pas un récit de voyage comme pour les textes de Jean de Léry et Bougainville. L’auteur est donc plus impliqué dans son discours : emploi de la première personne
  • Le thème est celui de la comparaison entre les mœurs des Européens et celles des
    Indigènes. La vision de Montaigne est péjorative pour les Européens : « altérés », « corrompu », « étouffée », « vaines et frivoles » et méliorative pour les Indigènes : « noble », « généreuse », « vertu », « heureux »
  • Montaigne remet en cause l’opinion de son époque : le sauvage n’est pas là où l’on croit ; critique de l’ethnocentrisme (qui consiste à croire en la supériorité de sa propre culture sur celles des Autres) ; satire violente de la société européenne. Remise en cause de la supériorité de la culture sur la nature.

Léry comme Montaigne mettent en valeur la générosité de ces peuples, la chaleur de l’accueil reçu, ils insistent sur le désintéressement de ces peuples, peu attachés aux biens matériels contrairement aux Européens. C’est une vision méliorative qui se dégage de ce corpus et donne des peuples indigènes découverts à la Renaissance une image idéale, empreinte de douceur. Ce regard porté sur l’Autre est l’occasion aussi d’un réquisitoire sévère contre les Européens.

Un vent libertin souffle sur le Louvre

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De Lens à Paris, le musée national met en avant la licence de la création artistique au XVIIIe siècle.

La saison 2016 du Louvre, consacrée au XVIIIe siècle, a été lancée au Louvre-Lens (Pas-de-Calais). L’occasion de voir ou de revoir « Le Pèlerinage à l’île de Cythère », d’Antoine Watteau (1684-1721), qui clôt l’austère fin de règne du Roi-Soleil. Peint en 1717, il illustre le souffle libertin et libertaire qui va accompagner le siècle.

Watteau fait vibrer la lumière des roses poudre, blancs nacrés, ors, dont il costume les couples en partance pour l’île d’Aphrodite. Regards, attitudes, hésitation, abandon, le jeu de la séduction tient dans cette scène rondement brossée. Cette fête galante officialise un genre dont l’Europe s’entiche en peinture, sculpture, porcelaine, ébénisterie, orfèvrerie, musique, opéra et théâtre, comme l’illustrent les extraits filmés projetés de La Méprise, de Marivaux, et des Noces de Figaro, de Mozart.

« Cette période de hardiesse, de gaieté, de fantaisie, voire de licence, a aussi été, pour les arts, un temps de nouveauté, qui a irradié l’ensemble du XVIIIe », souligne Xavier Salmon, le commissaire, directeur du département des arts graphiques au Louvre. Comme en témoigne la diversité des deux cents pièces exposées, porcelaines de Sèvres (Hauts-de-Seine) et de Meissen (Allemagne) ou costumes de Pierrot, provenant de Bohême. Watteau meurt à 36 ans, en laissant quantité de dessins. Toute son oeuvre est gravée à l’eau forte par ses compatriotes et réunie dans le Recueil Jullienne, du nom du riche marchand et collectionneur d’art, ami et mécène du peintre. « Les modèles circulaient avec la plus grande facilité, en particulier grâce à l’estampe dont le commerce était florissant », souligne M. Salmon.

Le visiteur est accueilli par un théâtre d’ombres, couples qui dansent sur une comptine populaire : « Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés. Entrez dans la danse, voyez comme on danse, sautez, dansez, embrassez qui vous voudrez. »

La marquise de Pompadour, favorite de Louis XV, aurait adapté cette ronde du XIIIe siècle pour les enfants de La Madeleine-l’Evêque, hameau voisin de l’hôtel d’Evreux (actuel palais de l’Elysée) où elle est logée par le roi. Une manière, pour la marquise, de dire qu’elle n’a plus de relations sexuelles avec le souverain : au Moyen Age, les lauriers signalaient les maisons de prostitution.

Le double langage du XVIIIe siècle fera sauter les verrous, jusqu’à la royauté elle-même. Dans les tableaux, le myosotis signifie l’amour ; la cage, le mariage contraint ; la cruche brisée, la perte de la virginité ; la flûte, le pénis ; l’escarpolette, le jeu érotique. Goya s’approprie, en 1779, le sujet pour un carton à tapisserie destinée au palais du Pardo (Espagne). Il peint un groupe de paysans moqueurs, affalés à proximité de la balançoire des enfants de l’aristocratie enrubannés : la fracture sociale illustrée dix ans avant la Révolution française.

« Antidote en situation morose »

« Exposer un XVIIIe siècle galant, amoureux, un peu sucré, explique M. Salmon, c’est aussi l’occasion de véhiculer un message critique, celui d’une société qui s’abîme dans le plaisir, alors que le gouffre se creuse. »

Pourquoi cet engouement pour le XVIIIe ? Après Fragonard au Musée du Luxembourg, Vigée Le Brun au Grand Palais, le Louvre exposera, en 2016, Hubert Robert, Bouchardon, Le Brun. « C’est un grand moment de la peinture, de la sculpture, des arts décoratifs, avec un degré de perfection très élevé, souligne Sébastien Allard, directeur du département des peintures du Louvre. Une espèce d’antidote en situation morose. Une part de rêve avec ses faux-semblants, un moment de réflexion sur le monde et sa recomposition. Bousculées par la barbarie, les valeurs de la raison qui vont fonder le XIXe siècle sont requestionnées. »

Une manière aussi, pour le Louvre, d’inviter le public à redécouvrir ses propres collections. Une priorité pour Jean-Luc Martinez, son président. Après le département des objets d’art du XVIIIe, rouvert en 2014 avec éclat, la peinture française des Lumières vient d’être réinstallée dans vingt salles rénovées. C’est la collection la plus importante au monde, des centaines d’oeuvres d’art, dont les ensembles de Jean Siméon Chardin, Watteau, Jean-Baptiste Greuze et les reconstitutions de villes antiques imaginées par Hubert Rober. Les tableaux sont accrochés à la hauteur des yeux. Un régal pour le visiteur.

Le Monde du 18/02/2016

Apprendre, c’est marcher

Les futurs éducateurs vont peut-être devoir mieux prendre en compte le rôle du corps et de l’exercice dans la pratique éducative. C’est un point que nous avons déjà abordé dans un précédent article, mais qui tend à se confirmer…

L’exercice qui semble avoir le plus d’impact sur nos capacités cognitives est aussi le plus simple, puisqu’il s’agit de la marche. Barbara Oakley, que nous évoquions il y a peu, ne manque pas de le souligner : « Un chimiste remarquablement inventif du milieu du XIXe siècle, Alexander Williamson, a observé qu’une promenade solitaire valait une semaine dans le laboratoire pour l’aider à faire progresser son travail… Marcher stimule la créativité dans beaucoup de domaines : ainsi nombre d’écrivains célèbres, tels Jane Austen, Carl Sandburg et Charles Dickens, ont trouvé l’inspiration au cours de leurs fréquentes et longues promenades. »

De récents travaux donnent raison à Williamson et à Dickens. La marche accroît les capacités cognitives. Par exemple, une recherche effectuée par une équipe interuniversitaire espagnole tend à montrer que les adolescentes qui se rendent à l’école à pied ont de meilleures capacités cognitives (mesurées à l’aide d’un test standard) que celles qui rejoignent leur établissement en bus ou en voiture. Et les jeunes femmes qui marchent plus de 15 minutes s’en tirent mieux que celles qui parcourent une distance inférieure. Pourquoi des filles et pas des garçons ? Après tout, le communiqué nous informe que la recherche a été effectuée sur 808 garçons et 892 filles. L’étude originale n’est malheureusement pas disponible, mais on tient sans doute un élément de réponse dans ce passage qui note que, pendant l’adolescence, « la plasticité du cerveau est supérieure à tout autre moment de la vie, ce qui rend la période propice pour stimuler la fonction cognitive ». Cependant, continue l’article, l’adolescence est la période qui voit la plus forte baisse de l’activité physique, et elle est plus sensible chez les filles. Autrement dit, on peut en déduire que l’étude s’intéresse surtout à ces dernières parce qu’elles se dépensent moins que les garçons pendant cette phase de leur vie.

Marcher, c’est créer

Pourquoi la marche possède-t-elle cet effet ? La première hypothèse serait qu’elle favorise ce mode diffus dont nous parlait Barbara Oakley, et permettrait ainsi à l’inconscient de dégager des solutions créatives. Cependant, il semble que les bénéfices de la marche ne soient pas simplement dus au fait de « changer d’air » ou de s’aérer l’esprit, mais que l’acte de marcher agisse directement sur le cerveau, du moins si l’on en croit une expérience menée à Stanford et rapportée par le blog Machines Like Us.

L’étude concernait la créativité. Pour mesurer celle-ci, on recourt à un exercice maintenant classique : il s’agit de trouver un maximum d’usages inédits pour un objet usuel (savoir si ce type de créativité présente le moindre rapport avec la rédaction du Bateau ivre est une question que nous n’aborderons pas aujourd’hui).

Comme toujours dans les expériences psychologiques, on a divisé les sujets en deux groupes. En cette circonstance, l’un restait immobile tandis que l’autre marchait. Le nombre de réponses inventives trouvées par le groupe de marcheurs s’est avéré supérieur de 80 % à 100 % à celui qu’obtenaient les personnes assises. Mais cela ne s’arrête pas là. Les chercheurs ont refait l’expérience, mais cette fois les marcheurs restaient à l’intérieur, sur un tapis de course, tandis que les « immobiles » pouvaient se balader dehors, mais en chaise roulante. Résultat, les marcheurs se sont révélé une fois encore les plus créatifs.

Et grimper, c’est se souvenir

Un autre type d’activité semble attirer l’intérêt des scientifiques : ce sont les exercices « proprioceptifs », destinés à augmenter la capacité à percevoir son propre corps, par exemple grimper à un arbre. Selon des chercheurs de Floride, les activités de ce genre augmentent la mémoire de travail d’environ 50 % en un temps très court (deux heures). Parmi les exercices proposés lors de l’expérience, outre la grimpette, figuraient aussi se déplacer sur une poutre, marcher en étant attentif à sa posture, courir pieds nus, ramper et se déplacer entre des objets, etc. A noter que cette étude a été effectuée sur des adultes de 18 à 59 ans, et non sur des enfants.

Les chercheurs ont comparé par la suite les résultats de cette sorte d’exercice avec ceux enregistrés par des adeptes du yoga, une discipline dont les postures complexes accroissent cette capacité de proprioception et qui devraient donc, en théorie, elles aussi augmenter notre mémoire de travail. Mais ils n’ont rien découvert de tel. La conclusion en est que c’est la combinaison de la proprioception avec un exercice dynamique qui permettrait d’obtenir ce genre d’effet. Les postures de yoga, trop statiques, ne fournissaient donc pas les critères nécessaires (je serais curieux toutefois de connaître les postures de yoga prises en considération, et surtout s’ils ont analysé ce qu’on appelle les postures d’équilibre, certes statiques, mais qui demandent un constant réajustement de la position corporelle et comportent donc un aspect dynamique, même s’il reste discret).

Pour Ross Alloway, auteur de l’étude, c’est plutôt la combinaison d’exercice et de réflexion qui serait la cause de ce boost « cognitif » : « Cette recherche suggère qu’en accomplissant des activités qui nous font réfléchir, nous pouvons exercer notre cerveau en même temps que notre corps… Elle présente des implications importantes pour tous, enfants comme adultes. En prenant une pause pour effectuer des activités imprévisibles et qui nous obligent à adapter consciemment nos mouvements, nous pouvons renforcer notre mémoire de travail pour mieux travailler dans la salle de classe et de réunion. »

Vers de nouvelles pratiques éducatives ?

Mais à qui ce genre de découvertes s’applique-t-il ? Dans son livre Brain Rules traduit récemment sous le titre Les Douze Lois du cerveau, le biologiste John Medina observe que bon nombre des recherches effectuées sur ce sujet concernent les personnes âgées, tandis que « le nombre d’études nous renseignant sur les effets de l’exercice sur les enfants est carrément microscopique. »

Bon, les choses changent tout de même doucement. Pour exemple, cette étude relatée par le New York Times, effectuée sur 220 enfants de 9 ans environ. Un âge, où, nous explique le magazine, se développent particulièrement les fonctions exécutives du cerveau, celles qui aident à se concentrer et à jongler entre diverses tâches, bref à planifier nos activés. Le groupe fut divisé en deux, 110 enfants servant de « groupe témoin » tandis que l’autre moitié se livrait après l’école à un programme d’exercices physiques divers, toujours très ludiques. L’expérience dura toute l’année scolaire. A la fin, les petits sujets passèrent divers tests cognitifs et les membres du groupe ayant vécu l’entraînement physique se montrèrent meilleurs dans les domaines liés à ces fonctions exécutives et notamment dans celui de « l’inhibition attentionnelle » qui permet de rejeter les informations sans valeurs et de se concentrer sur la tâche en cours (les enfants du groupe témoin progressèrent aussi, mais dans des proportions moindres).

Il existe aussi des travaux plus expérimentaux, comme ceux menés par Carmen Petrick Smith, de l’université du Vermont, sur l’usage de la Kinect dans la compréhension de la géométrie.

La chercheuse a soumis des enfants d’école primaire à des tests au cours desquels ils devaient, avec leur bras, créer des angles spécifiques (aigu, obtus, droit) leurs actions étant projetées sur l’écran, via la Kinect. Et comme on pouvait s’y attendre, le niveau de compréhension des enfants passés par ce système était supérieur à celui de leurs camarades éduqués par une représentation plus statique – et traditionnelle – des figures géométriques.

Malgré ses réserves mentionnées plus haut, Medina n’hésite pas à émettre quelques idées sur l’avenir de l’enseignement dans la salle de classe : « Et si, pendant les leçons, les enfants ne restaient pas assis à leurs pupitres, mais marchaient sur des tapis roulants ? Les élèves pourraient écouter un cours de mathématiques tout en marchant de 1 à 3 km par heure, ou étudier l’anglais sur des tapis roulants modifiés pour accueillir un ordinateur de bureau. »

On ne peut que penser à l’équipement du « marcheur-programmeur » de Benoît Pereira da Silva, qu’il nous a présenté dans le cadre de Lift Marseille en 2014 !

Mais, Medina le reconnaît, il ne s’agit que d’une suggestion : « une telle méthode, déployée sur une année scolaire, pourrait-elle améliorer les performances scolaires ? Tant que les neuroscientifiques scientifiques et les chercheurs en éducation ne peuvent nous en démontrer les avantages dans le monde réel, la réponse est : personne ne sait. »

Malheureusement, dès qu’on aborde le domaine du cerveau, et surtout celui des applications pratiques des sciences cognitives, la phrase « personne ne sait » revient bien souvent !

Article issu des blogs du Monde, InternetActu (30/01/2016)

La musique baroque

Si à la Renaissance, les instruments étaient avant tout au service de la voix chantée, ils s’émancipent à l’époque baroque pour révéler tout leur potentiel. Vivaldi est une star, Monteverdi invente l’opéra, Lully célèbre le Roi-Soleil, Haendel fait carrière à Londres et Bach trace déjà la voie à ses successeurs. Autour d’eux, les guerres font rage, tandis que les rois vivent dans le faste. Une époque toute en ambiguïtés que fait revivre au piano le jeune virtuose Francesco Tristano.

Pour chaque épisode de cette série, un pianiste interprète ses préférences et présente les particularités d’un style ou d’un compositeur via des exemples. Mises bout à bout, ces séquences composent une sorte de bande-son de l’histoire de l’Europe, complétée par des scènes d’animation, des extraits de films et de concerts ainsi que des entretiens avec des grands noms du monde actuel de la musique.

Série documentaire réalisée par Arte (2014)

Le Paris littéraire

Afin de préparer la sortie à Paris du jeudi 12 mars, cliquez sur la carte ci-dessous afin de visualiser une proposition de parcours avec quelques extraits d’œuvres littéraires en lien avec les quartiers et monuments que nous croiserons.

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