Archives de catégorie : Le XIXème siècle

Repères sur le réalisme

Le réalisme est un mouvement qui connaît son apogée au XIXème siècle. Il marque une rupture avec un autre courant littéraire et artistique – le romantisme – qui déformait la réalité en cherchant à l’embellir (les défauts et les vices n’étaient jamais représentés). Le réalisme, quant à lui, consiste à retranscrire le mieux possible la réalité dans des textes ou dans des œuvres d’art, le plus fidèlement possible, et avec un intérêt accru pour les sujets jusque-là écartés : les milieux sociaux (la paysannerie, le monde ouvrier, la bourgeoisie naissante), la misère, le vice, la marginalité… Pour les romantiques, ces thèmes n’étaient pas considérés comme dignes de faire l’objet d’une représentation artistique.

Ce tendance est étroitement liée aux mutations de la société du XIXème siècle : les auteurs comme les peintres « photographient » les conséquences sociales de la révolution industrielle, décrivent les mouvements ouvriers, et se font les témoins des progrès techniques et scientifiques qu’ils mettent en scène dans les nouvelles, les romans, et les tableaux.

Cette tendance n’est pas appréciée des critiques qui voient dans ce mouvement un goût pour le vulgaire et le laid.

Quelques auteurs parmi les plus représentatifs de ce courant :

  • Stendhal
  • Honoré de Balzac
  • Maupassant
  • Flaubert

L’œuvre artistique la plus emblématique du réalisme est sans doute celle de Gustave Courbet, « Un enterrement à Ornans », car elle provoquera un énorme scandale et suscitera de vives critiques. G. Courbet s’oppose aux enseignements académiques de l’école des Beaux Arts et refuse catégoriquement ses règles héritées du romantisme et du classicisme qui prônent une représentation de ce qui est « noble », ce qui est parfait, idéalisé (les sujets mythologiques, historiques, religieux). Il réagit ainsi à l’art de E. Delacroix : « M. Delacroix fait des anges. Je ne vois pas ce que c’est que des anges. Vous ? Moi je n’en ai jamais vu. Comment voulez-vous que je juge une forme qui représente un être imaginaire ? Ses ailes le rendent ridicule et difforme. Qu’on fasse des hommes, qu’on les fasse bien, là est le difficile ». Courbet ouvre ainsi la voie à une nouvelle conception de l’Art, évoquant la réalité sans idéalisation et en abordant des thématiques politiques ou sociales : peindre la vérité sans la déformer, même si elle est parfois dure à voir.

Sources

  • http://fr.wikipedia.org/ (le réalisme)
  • Google images
  • Livre de français 2nde, Collection « Passeurs de textes« , Édition Robert
  • http://www.musee-orsay.fr/ (exposition virtuelle)

Dossier documentaire réalisé par Gauthier Bloeme et Paul Landel (élèves de 2nde)

Debussy et Verlaine

« Il pleure dans mon cœur » interprété par Barbara Hendricks (voix) et Michel Beroff (piano).


« Ariettes oubliées I » interprété par Barbara Hendricks (voix) et Michel Beroff (piano).

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Pour préparer l’entretien

Il est intéressant de noter que C. Debussy est confié pendant la guerre de 1870 à Antoinette Mauté de Fleurville, élève de Chopin et belle-mère de Verlaine. C’est elle qui le prépare au Conservatoire de Paris qu’il intègre en 1872. Il y étudiera le piano et composera ses premières mélodies en 1879 sur des textes d’Alfred de Musset (« Madrid », « Ballade à la lune »). Durant toute sa carrière, C. Debussy s’est attaché à explorer la relation entre la poésie et la musique. C’est en 1887 en s’installant à Paris qu’il commence à fréquenter les peintres impressionnistes et les poètes symbolistes tels que Verlaine (ses Mélodies sont composées à partir des Ariettes oubliées), Mallarmé (avec qui il se lance dans le projet théâtral autour du poème L’après-midi d’un faune) et Rimbaud.

Quelques éléments d’écoute musicale :

Ariettes oubliées I : on remarquera que la musique se fait discrète, elle prolonge simplement le texte poétique et le met en valeur. Le piano reste en retrait et accompagne délicatement la voix de la cantatrice soprano (voix de femme, la plus élevée des voix) qui passe de l’envolée lyrique au chuchotement plus intime.

Il pleure dans mon cœur : le piano mime la pluie régulière et s’oppose à la voix qui semble tourner sur elle-même en une sorte de danse lancinante pour suggérer un malaise, une obsession.

Ces éléments sont suffisants, il est improbable qu’on vous en demande davantage. L’objectif est de montrer que les notes musicales suggèrent tout autant que le jeu des sonorités du poème. Reprenez les éléments d’interprétation de votre lecture analytique et montrez que la musique permet de les mettre en relief. Il est également possible que l’examinateur cherche à connaitre vos impressions personnelles. Sentez-vous libre alors de développer votre sensibilité.

Discours sur la peine de mort

Le premier de tous les combats de Victor Hugo – le plus long, le plus constant, le plus fervent – est sans doute celui qu’il mène contre la peine de mort. Dès l’enfance, il est fortement impressionné par la vision d’un condamné conduit à l’échafaud, sur une place de Burgos, puis, à l’adolescence, par les préparatifs du bourreau dressant la guillotine en place de Grève. Hanté par ce « meurtre judiciaire », il va tenter toute sa vie d’infléchir l’opinion en décrivant l’horreur de l’exécution, sa barbarie, en démontrant l’injustice (les vrais coupables sont la misère et l’ignorance) et l’inefficacité du châtiment. Utilisant tour à tour sa notoriété d’écrivain et son statut d’homme politique, il met son éloquence au service de cette cause, à travers romans, poèmes, témoignages devant les tribunaux, plaidoiries, discours et votes à la Chambre des pairs, à l’Assemblée puis au Sénat, articles dans la presse européenne et lettres d’intervention en faveur de condamnés. (Source : BNF)

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Messieurs, une constitution, et surtout une constitution faite par la France et pour la France, est nécessairement un pas dans la civilisation. Si elle n’est point un pas dans la civilisation, elle n’est rien.

Eh bien, songez-y, qu’est-ce que la peine de mort ? La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne.

Messieurs, ce sont là des faits incontestables. L’adoucissement de la pénalité est un grand et sérieux progrès. Le XVIIIème siècle, c’est là une partie de sa gloire, a aboli la torture ; le XIXème siècle abolira la peine de mort.

Vous ne l’abolirez pas peut-être aujourd’hui ; mais n’en doutez pas, demain vous l’abolirez, ou vos successeurs l’aboliront. Vous écrivez en tête du préambule de votre constitution : « En présence de Dieu », et vous commenceriez par lui dérober, à ce Dieu, ce droit qui n’appartient qu’à lui, le droit de vie et de mort ?

Messieurs, il y a trois choses qui sont à Dieu et qui n’appartiennent pas à l’homme : l’irrévocable, l’irréparable, l’indissoluble. Malheur à l’homme s’il les introduit dans lois. Tôt ou tard elles font plier la société sous leur poids, elles dérangent l’équilibre nécessaire des lois et des moeurs, elles ôtent à la justice humaine ses proportions ; et alors il arrive ceci, réfléchissez-y, messieurs, que la loi épouvante la conscience.

Je suis monté à cette tribune pour vous dire un seul mot, un mot décisif, selon moi, ce mot, le voici. Après Février, le peuple eut une grande pensée : le lendemain du jour où il avait brûlé le trône, il voulut brûler l’échafaud. Ceux qui agissaient sur son esprit alors ne furent pas, je le regrette profondément, à la hauteur de son grand cœur. On l’empêcha d’exécuter cette idée sublime.

Eh bien, dans le premier article de la constitution que vous votez, vous venez de consacrer la première pensée du peuple, vous avez renversé le trône. Maintenant consacrez l’autre, renversez l’échafaud.

Je vote pour l’abolition pure, simple et définitive, de la peine de mort.

 Victor Hugo, Discours devant l’Assemblée constituante, 15 septembre 1848.

Discours sur la misère

À la demande et sous la conduite de l’économiste Adolphe Blanqui, qui vient de publier une terrible enquête sur les classes ouvrières en 1848, Victor Hugo, accompagné de médecins et de quelques autres « autorités », se rend en février 1851 à Lille, afin de constater sur place les conditions de logement des ouvriers de l’industrie textile, décrites par Blanqui dans son rapport. Il est horrifié par ce qu’il découvre : chaque famille vit et travaille à domicile dans des conditions épouvantables, entassée dans des caves insalubres. À son retour, Hugo rédige pour l’Assemblée un discours, relatant avec force détails sa visite, citant « les premiers faits venus, ceux que le hasard nous a donnés dans une visite qui n’a duré que quelques heures. Ces faits ont au plus haut degré tout le caractère d’une moyenne. Ils sont horribles ». Ce discours, il ne le prononcera pas, mais il l’utilisera plus tard pour un poème de Châtiments, « Joyeuse vie ». (source : BNF)

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« Je vous dénonce la misère, qui est le fléau d’une classe et le péril de toutes !
Je vous dénonce la misère qui n’est pas seulement la souffrance de l’individu,
qui est la ruine de la société, la misère qui a fait les jacqueries […], qui a fait juin 1848. »

Figurez-vous ces caves dont rien de ce que je vous ai dit ne peut donner l’idée ; figurez-vous ces cours qu’ils appellent des courettes, resserrées entre de hautes masures, sombres, humides, glaciales, méphitiques, pleines de miasmes stagnants, encombrées d’immondices, les fosses d’aisances à côté des puits !

Hé mon Dieu ! ce n’est pas le moment de chercher des délicatesses de langage !

Figurez-vous ces maisons, ces masures habitées du haut en bas, jusque sous terre, les eaux croupissantes filtrant à travers les pavés dans ces tanières où il y a des créatures humaines. Quelquefois jusqu’à dix familles dans une masure, jusqu’à dix personnes dans une chambre, jusqu’à cinq ou six dans un lit, les âges et les sexes mêlés, les greniers aussi hideux que les caves, des galetas où il entre assez de froid pour grelotter et pas assez d’air pour respirer !

Je demandais à une femme de la rue du Bois-Saint-Sauveur : Pourquoi n’ouvrez-vous pas les fenêtres ? Elle m’a répondu : — Parce que les châssis sont pourris et qu’ils nous resteraient dans les mains. J’ai insisté : — Vous ne les ouvrez donc jamais ? — Jamais, monsieur ! Figurez-vous la population maladive et étiolée, des spectres au seuil des portes, la virilité retardée, la décrépitude précoce, des adolescents qu’on prend pour des enfants, de jeunes mères qu’on prend pour de vieilles femmes, les scrofules, le rachis, l’ophtalmie, l’idiotisme, une indigence inouïe, des haillons partout, on m’a montré comme une curiosité une femme qui avait des boucles d’oreilles d’argent ! Et au milieu de tout cela le travail sans relâche, le travail acharné, pas assez d’heures de sommeil, le travail de l’homme, le travail de la femme, le travail de l’âge mûr, le travail de la vieillesse, le travail de l’enfance, le travail de l’infirme, et souvent pas de pain, et souvent pas de feu, et cette femme aveugle, entre ses deux enfants dont l’un est mort et l’autre va mourir, et ce filetier phtisique agonisant, et cette mère épileptique qui a trois enfants et qui gagne trois sous par jour ! Figurez-vous tout cela et si vous vous récriez, et si vous doutez, et si vous niez… Ah ! Vous niez ! Eh bien, dérangez-vous quelques heures, venez avec nous, incrédules, et nous vous ferons voir de vos yeux, toucher de vos mains, les plaies, les plaies saignantes de ce Christ qu’on appelle le peuple !

 Victor Hugo, Discours à l’Assemblée nationale, 30 juin 1850.

La lettre de M. Homais

Travail d’écriture

En vous inspirant de la « réclame » élogieuse de M. Homais ci-dessous, imaginez un article qui ferait au contraire le blâme de l’intervention chirurgicale de M. Bovary. Vous emploierez un vocabulaire dépréciatif (ou péjoratif) pour qualifier le médecin tout en veillant à respecter un langage soutenu.


Ils étaient au lit lorsque M. Homais, malgré la cuisinière, entra tout à coup dans la chambre, en tenant à la main une feuille de papier fraîche écrite. C’était la réclame qu’il destinait au Fanal de Rouen. Il la leur apportait à lire.
– Lisez vous-même, dit Bovary.
Il lut :
Obj : 2.8/80, # 16, t 1/60 sec Graphit : Gén : 8.4  G : 7.4  D : 7.3« Malgré les préjugés qui recouvrent encore une partie de la face de l’Europe comme un réseau, la lumière cependant commence à pénétrer dans nos campagnes. C’est ainsi que, mardi, notre petite cité d’Yonville s’est vue le théâtre d’une expérience chirurgicale qui est en même temps un acte de haute philanthropie. M. Bovary, un de nos praticiens les plus distingués… […]
« M. Bovary, un de nos praticiens les plus distingués, a opéré d’un pied-bot le nommé Hippolyte Tautain, garçon d’écurie depuis vingt-cinq ans à l’hôtel du Lion d’or, tenu par madame veuve Lefrançois, sur la place d’Armes.
La nouveauté de la tentative et l’intérêt qui s’attachait au sujet avaient attiré un tel concours de population, qu’il y avait véritablement encombrement au seuil de l’établissement. L’opération, du reste, s’est pratiquée comme par enchantement, et à peine si quelques gouttes de sang sont venues sur la peau, comme pour dire que le tendon rebelle venait enfin de céder sous les efforts de l’art. Le malade, chose étrange (nous l’affirmons de visu) n’accusa point de douleur. Son état, jusqu’à présent, ne laisse rien à désirer. Tout porte à croire que la convalescence sera courte ; et qui sait même si, à la prochaine fête villageoise, nous ne verrons pas notre brave Hippolyte figurer dans des danses bachiques, au milieu d’un chœur de joyeux drilles, et ainsi prouver à tous les yeux, par sa verve et ses entrechats, sa complète guérison ? Honneur donc aux savants généreux ! Honneur à ces esprits infatigables qui consacrent leurs veilles à l’amélioration ou bien au soulagement de leur espèce ! Honneur ! Trois fois honneur ! »

Gustave Flaubert, Madame Bovary, Ile partie, chapitre 9.